Deniz Boy : Non, les sociaux-démocrates en France ne sont pas condamnés à la « rédubition »

En ces temps difficiles pour nos concitoyens et leur pouvoir d’achat, voilà qu’apparaît dans le paysage public une notion économique - et une méthode - propice à faciliter leur acceptation de l’inflation des prix à la consommation, la shrinkflation. Néologisme construit à partir des termes
anglais de « shrink » (se réduire) et inflation, la shrinkflation, ou « la réduflation » en français,
consiste en la diminution de la quantité d’un bien sans en réduire le prix.
Un parallèle en politique pourrait être le terme de « rédubition », contraction de « réduction » et
« ambition », qui semble fâcheusement coller aux Sociaux-démocrates en cette rentrée marquée par leur absence manifeste du débat public. Or, l’envie des militants est bien là mais bute sur une
désorganisation quasi savamment organisée pour annihiler toutes perspectives de résurrection.
Paradoxalement, nous entrons dans une séquence politique, les élections européennes, qui nous est génétiquement favorable. Nous sommes pro-européens, historiquement attachés à la construction européenne, culturellement reconnaissant des bienfaits et protections qu’elle apporte aux citoyens et à la planète, et continuellement redevables de ce que nous pouvons faire pour en améliorer le contenu.
L’heure n’est donc pas à « rédubitionner », les sociaux-démocrates français doivent pouvoir déposer un bulletin de vote de leur sensibilité politique aux prochaines élections européennes.
A cet aune, la Convention prend du retard. Alors qu’elle semblait attendre, presque naïvement, une
solution venant du parti Socialiste, Olivier Faure et le bureau national du PS ont scellé le sort de cette option en rejetant nommément toute alliance avec Bernard Cazeneuve. C’est bien que la
préoccupation du Premier secrétaire du PS s’éloigne chaque jour un peu plus de l’idée de faire
grandir l’Europe ou la Social-démocratie pour n’aborder les enjeux importants que par le prisme de la sauvegarde de l’appareil politique du PS. Or, La Convention n’a pas à entrer dans ce jeu pour exister sur le champ européen. Nombreux sont ses adhérents (revendiqués à plus de dix mille) attachés aux valeurs humanistes du projet européen, qu’une victoire de l’extrême droite viendrait remettre en cause ; les partenaires membres de La Convention, dont le Parti radical de gauche (PRG), les sociaux-démocrates réformateurs (CSDR, macronistes de gauche) et les autres sont dans les starting-blocks pour assumer ce combat politique des Européennes ; et enfin, les amitiés européennes, incarnées par la présence de fortes personnalités le 12 juin à Créteil sont un autre signal : comment imaginer qu’un mouvement qui réunit Martin Schulz, l’ancien président du Parlement européen, l’ancien premier ministre belge Elio Di Rupo ou encore l'ancien président du Conseil italien Enrico Letta pour lancer sa dynamique ne soit pas actif et candidat aux élections européennes ?
Si le PS ne représente plus la pierre angulaire de la construction des majorités à gauche, il demeure en son sein des militants et des élus, au même titre qu’à La Convention ou chez des anciens électeurs sociaux-démocrates du Président de la République, habités par une volonté de trouver un terrain d’entente pour faire émerger une option sociale-démocrate en juin 2023. Place publique, mouvement de l’eurodéputé Raphaël Glucksmann vient d’annoncer la candidature de ce dernier, et a fait un pas vers une union des sociaux-démocrates. Tout est question de ligne politique et de nécessaires discussions qu’il est urgent d’engager cet automne dans le cadre d’Assises de la socialdémocratie qui devront déboucher sur un accord et une liste politique prête à faire campagne dès le début 2024 pour les élections européennes.
En définitive, pour lutter contre les nationalismes et populismes en Europe, la Convention doit être
motrice et assumer la rupture avec l’appareil politique du PS pour entendre le message de ses
propres militants et au-delà. Et en finir avec la rédubition pour entrer dans l’ère de la « Growbition ».
Charge aux statisticiens et futurs sondages de traduire ces notions nouvelles…
Deniz Boy
Vice-Président du CSDR